Absence de condamnation d’un locataire au paiement des loyers commerciaux : la bonne foi dans les contrats sous l’éclairage de la crise sanitaire

Le juge estime qu’une adaptation des modalités d’exécution de l’obligation au regard de l’exigence de bonne foi est nécessaire.

Ces décisions illustrent un renforcement de l’exigence de bonne foi entre les parties dans l’exécution de leurs accords au regard des différends engendrés par la crise sanitaire.

Sommaire

1. Contexte des deux affaires soumises au juge des référés
2. Principe : les dispositions dérogatoires issues de l’état d’urgence sanitaire n’ont pas d’influence sur l’exigibilité des loyers
3. Exception : l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats rend la demande irrecevable

1. Contexte des deux affaires soumises au juge des référés

Dans la première affaire, un bailleur commercial a saisi le juge des référés afin d’obtenir la condamnation du locataire à payer les loyers dus au titre du deuxième trimestre 2020.

Dans une seconde affaire similaire, c’est l’exploitant qui a agi en référé en vue de voir ordonner la suspension de son obligation au paiement des loyers, alors que le bailleur poursuivait reconventionnellement le paiement des loyers des deuxième et troisième trimestres.

Dans les deux cas, le juge des référés refuse de faire droit à la demande du bailleur concernant les loyers du deuxième trimestre ; période pendant laquelle de nombreux commerces étaient fermés ou avaient une activité très réduite en raison du confinement.

2. Principe : les dispositions dérogatoires issues de l’état d’urgence sanitaire n’ont pas d’influence sur l’exigibilité des loyers

Le locataire invoquait l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 qui interdit l’exercice par le créancier d’un certain nombre de mesures d’exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.

Toutefois, ce texte n’a pas pour effet de suspendre l’exigibilité du loyer dû par le locataire commercial dans les conditions prévues au contrat. Le bailleur peut donc, en principe, réclamer le paiement des loyers.

De même, le juge des référés affirme que ni la force majeure ni la théorie des risques ne permettent au locataire de solliciter la suspension de ses loyers. 

Enfin, il n’est pas démontré que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance des locaux ; le contexte sanitaire, qui ne lui est pas imputable, ne pouvant en lui-même constituer un tel manquement du bailleur.

3. Exception : l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats rend la demande irrecevable

Néanmoins, les contrats devant être négociés et exécutés de bonne foi, les parties sont tenues de vérifier si des circonstances exceptionnelles ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives, susceptible d’influencer leur exigibilité.

Ainsi, si de telles circonstances surviennent, il convient d’étudier l’exception d’inexécution, soulevée par les locataires, à la lumière de cette obligation de bonne foi.

Le juge des référés constate dans ces deux affaires que, d’une part, le secteur d’activité des locataires avait été fortement perturbé économiquement par les mesures sanitaires, d’autre part, les locataires avaient essayé de trouver une solution amiable avec le bailleur.

Dès lors, la demande en paiement formée en référé par chaque bailleur se heurte à une contestation sérieuse et est rejetée.

En conclusion, tout est affaire de circonstances. Il faut notamment tenir compte du comportement des parties et des tentatives du locataire pour trouver une solution amiable.

Ces décisions s’inscrivent dans la tendance générale visant à protéger les locataires commerciaux durement affectés par la crise sanitaire ; là où les chances s’amenuisent pour les bailleurs, déjà privés par les dispositions dérogatoires de toute possibilité de mettre en œuvre les sanctions contractuellement prévues, de recouvrer rapidement les loyers commerciaux.

TJ Paris réf. 26-10-2020 n 20/53713, Sté Parapharmacie Prado Mermoz c/ Sté Massalia Shoping Mall

TJ Paris réf. 26-10-2020 n 22/55901, Sté Bethune Borghese c/ Sté Low & Co

Publié par Libert Avocats