Veille juridique du 11 juin 2019
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DROIT DES AFFAIRES / FISCALITE
Loi PACTE : Modernisation du régime des actions de préférences
Auparavant, les actions de préférence devaient être définies par les statuts dans le respect des dispositions des articles L225-122 à L225-125 du Code de commerce.
La Loi PACTE assouplit et modernise le régime juridique des actions de préférence. Désormais, pour les actions de préférence émises à compter de la publication de la Loi, le 24 mai dernier, le respect de ces articles ne s’impose qu’aux sociétés cotées.
Ainsi, il est possible, dans toutes les sociétés par action non cotées, de créer des actions de préférence à droit de vote multiple.
Il est également possible de retirer le droit préférentiel de souscription à toutes les actions de préférence comportant des droits financiers limités.
Enfin, la Loi permet le rachat des actions de préférence à l’initiative conjointe de la société et du détenteur de l’action de préférence et non plus seulement à l’initiative exclusive de la société.
LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
Sanction du non-respect d’une injonction de dépôt des comptes
Dans une décision en date du 7 mai dernier, la Cour de cassation a jugé pour la première fois que, lorsque le président du tribunal ayant enjoint sous astreinte au représentant légal d’une société de déposer les comptes annuels constate le défaut d’exécution de cette injonction et liquide l’astreinte, le représentant légal est condamné à titre personnel.
En effet, c’est au représentant légal, et non à la société, qu’incombe le paiement de l’astreinte. Le dirigeant qui en ferait supporter le paiement à la société s’exposerait à une action en responsabilité des associés, voire à une révocation pour juste motif.
Cass. Com. 7-5-2019 n°17-21.047
Le formalisme de facturation : Nouvelles mentions et sanctions
Une ordonnance du 24 avril 2019 est venue réformer le cadre juridique des relations commerciales afin de clarifier et d’harmoniser les règles de facturation contenues dans le Code de commerce et dans le code général des impôts (CGI).
A compter du 1er octobre 2019, chaque facture devra, sauf cas particuliers, être émise « dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de service au sens du 3° du I de l’article 289 du CGI ».
En outre, deux nouvelles mentions devront figurer sur les factures. Il s’agit :
- de l’adresse de facturation des parties, lorsqu’elle est différente de leur adresse ;
- du numéro du bon de commande, s’il a été préalablement établi par l’acheteur.
Ces nouvelles mentions sont présentées comme étant des mentions obligatoires.
Le manquement à l’obligation de facturation pour les achats de produits ou les prestations de service pour une activité professionnelle, ainsi que l’absence de mention obligatoire est, depuis le 26 avril 2019, passible d’une amende dorénavant de nature administrative prononcée par une autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.
L’amende administrative peut atteindre 75.000 € pour une personne physique et 375.000 € pour une personne morale. Ces montants sont respectivement portés à 150.000 € et 750.000 € en cas de réitération du manquement dans les 2 ans d’une première sanction.
Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, JO du 25
Le droit d’usufruit viager portant sur un bien immobilier peut être amorti
Dans une décision rendue par le Conseil d’Etat le 24 avril 2019, la question soulevée devant la juridiction était celle de l’existence d’une dépréciation dans le temps du droit d’usufruit viager justifiant la constatation d’un amortissement.
Dans les conclusions du rapporteur public, il ressortait que l’Administration soutenait que la valeur de l’usufruit ne subit aucune dépréciation tant que l’usufruitier reste en vie.
En dépit des articles 595 et 617 du Code civil (selon lesquels il résulte que l’usufruit viager est limité dans le temps et qu’il est cessible), le Conseil d’Etat juge que la valeur de l’usufruit viager est dégressive avec le temps. La dépréciation de ce droit a donc été admise.
Une fois admise la dépréciation de la valeur de l’usufruit viager, il restait à établir la durée prévisible durant laquelle l’usufruit viager produit des effets bénéfiques.
Le Conseil d’Etat relève qu’en vertu des dispositions de l’article 699 du Code général des impôts, relatif aux droits d’enregistrement, : « la valeur de l’usufruitier est déterminée, sur le plan fiscal, en fonction de l’âge de l’usufruitier et de son espérance de vie telle qu’elle ressort des tables de mortalité établies par l’INSEE ».
En conséquence, le Conseil d’Etat reconnait, de manière inédite, le caractère amortissable du droit d’usufruit viager d’un bien immobilier dès lors qu’il est possible de déterminer le terme de ses effets bénéfiques sur l’exploitation en se référant aux statistiques en matière d’espérance de vie fixées par l’INSEE.
DROIT SOCIAL
Le licenciement de la salariée ayant refusé de retirer son voile à la demande d’un client est annulé
La Cour de cassation, après avoir interrogé la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 avril 2013 au motif que, faute d’obligation de neutralité prévue dans le règlement intérieur, le licenciement d’une salariée motivé par son refus d’ôter son voile lors de ses contacts avec la clientèle est discriminatoire.
L’affaire a donc été renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles dont l’arrêt a été rendue le 18 avril dernier. La Cour d’appel de Versailles a annulé le licenciement jugé discriminatoire.
En effet, il ressort des arrêts de la CJUE et de la Haute cour qu’une règle interne peut imposer aux salariés une obligation de neutralité générale leur interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux à condition, notamment, que cela soit prévue dans le règlement intérieur ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que celui-ci, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Toutefois, en l’absence de règle de neutralité interne, seule une exigence professionnelle essentielle et déterminante peut légitimer une interdiction du port de signe religieux.
En l’espèce, la CJUE a énoncé que la volonté de l’employeur de tenir compte du souhait d’un client de ne pas voir de voile ne saurait en aucun cas constituer une telle exigence.
CA Versailles, 18 avril 2019, n°18/02189
DROIT DES ASSURANCES
Principe de la réparation intégrale : incidence professionnelle et perte de gains professionnels futurs
Dans un arrêt en date du 23 mai dernier, la Cour de cassation a décidé que, dans le cadre d’un accident de la circulation, la victime est habilitée à demander la réparation de la perte de gains professionnels futurs et de la perte de chance d’une promotion professionnelle.
En l’espèce, un homme a subi un accident de la circulation. Ce dernier a signé une transaction avec l’assureur du véhicule impliqué. A la suite de l’aggravation de son état de santé, il assigne l’assureur dans le but d’obtenir la réparation des préjudices liés à l’aggravation de son état de santé.
La cour d’appel condamne l’assureur à réparer le préjudice de la victime non seulement au titre de la perte de gains professionnels futurs, mais aussi de l’incidence professionnelle de ne pouvoir bénéficier d’une promotion future.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’assureur et approuve la décision d’appel. Elle suit le raisonnement des juges du fond qui prennent en compte le marché du travail, l’âge et de l’état de santé de la victime pour conclure que le retour à l’emploi de la victime est très aléatoire.