Veille juridique du 14 janvier 2019
- L'actualité
- Veille juridique du 14 janvier 2019
DROIT DES AFFAIRES / FISCALITÉ
Le cumul de sanctions administrative et pénale en cas d’omission déclarative de revenus validé par le Conseil constitutionnel
Un contribuable, condamné à une sanction administrative et à une sanction pénale à la suite d’une omission déclarative de revenus, a déposé une Question prioritaire de constitutionnalité auprès du Conseil constitutionnel soutenant que les articles 1728 et 1741 du Code général des impôts, prévoyant ce cumul, sont contraires à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a rejeté ce recours en relevant que ces articles respectent, chacun, les principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité, et que leur cumul est justifié en ce qu’ils permettent, ensemble, d’assurer la protection des intérêts financiers de l’État et de l’égalité devant l’impôt.
Le Conseil soutient également que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à la possibilité pour le législateur de prévoir des règles qui conduiraient à l’application de plusieurs sanctions pour assurer une répression effective des infractions.
Cons. Const., 23-11-18 n°2018-745
La CJUE valide le droit à déduction de la TVA malgré l’absence de facture
Dans un arrêt du 21 novembre 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a autorisé un assujetti à déduire la TVA afférente à l’acquisition d’immeubles et de terrains alors même qu’il n’était pas en mesure de produire les factures correspondantes.
La CJUE s’est fondée sur les principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité pour juger que le non-respect des conditions de forme ne fait pas obstacle au droit à déduction de la TVA dès lors que les conditions de fond sont respectées, et que l’assujetti est en mesure de démontrer par des éléments objectifs son droit à déduction. L’article 168 de la directive TVA énonce les conditions de fond pour le droit à déduction : les biens et les services doivent être utilisés pour la réalisation d’opérations taxées à la TVA et doivent avoir été fournis par un autre assujetti.
La CJUE avait précédemment jugé que l’inexactitude ou l’omission de certaines mentions sur la facture exigées par l’article 226 de la directive TVA ne faisait pas obstacle au droit à déduction. Dans la présente décision la CJUE adopte, cependant, une position inédite.
En droit français, la doctrine administrative et le Conseil d’état établissent le caractère fondamental de la facture pour l’exercice du droit à déduction.
Le juge des référés ne peut écarter l’application d’une clause statutaire même illicite
Par un arrêt du 24 octobre 2018, la Cour de cassation a censuré la décision du juge des référés qui a écarté l’application de la clause statutaire excluant le vote de l’associé visé par une décision d’exclusion.
En l’espèce l’associé menacé d’exclusion a saisi le juge des référés afin d’écarter l’application de la clause statutaire selon laquelle, l’exclusion d’un associé peut être décidée par l’assemblée générale « statuant à l’unanimité des voix moins celles de l’associé mis en cause ». Le juge des référés considérant qu’il convient de prévenir « un danger imminent » a nommé un administrateur ad hoc chargé de convoquer une assemblée et de veiller à ce que l’ensemble des voix exprimées soient prises en compte y compris celle de l’associé mis en cause.
La Cour de cassation censure la décision du juge des référés de substituer la règle d’adoption d’une résolution par l’Assemblée générale prévue par les statuts à une autre, la règle statutaire fut-elle illicite.
Cass. Com 24-10-2018 n°15-27.911
DROIT SOCIAL
Le Conseil de Prud’hommes de TROYES invalide le barème Macron
Par cinq décisions du 13 décembre 2018, le Conseil de Prud’hommes de TROYES a jugé le barème d’indemnités pour licenciement abusif, institué par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, contraire à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la Charte sociale européenne.
Ce barème plafonne les dommages-intérêts accordés par les juges à un salarié victime d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les juges de TROYES ont notamment jugé que le barème, ainsi institué, ne permettait pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse. Mais aussi que le barème n’est pas dissuasif à l’égard des « fautifs » et qu’il « sécurise davantage les fautifs que les victimes et est donc inéquitable ».
Ces décisions interviennent quelques semaines après celle du Conseil de Prud’hommes du MANS dans laquelle, les juges du fond avaient déclaré conforme ledit barème à la Convention de l’OIT. Cependant, les juges du MANS s’étaient refusés à contrôler sa conformité avec la Charte sociale européenne en précisant, qu’en tout état de cause, les dispositions de cette Charte concernant l’indemnité pour licenciement abusif sont similaires à celles de la convention de l’OIT.
Cons. De Prud’hommes de Troyes 13-12-2018 n°18/00036
La Cour de cassation juge l’existence d’un contrat de travail entre le livreur et la plateforme numérique qui l’emploie
Dans un arrêt en date du 28 novembre 2018, la Cour de cassation a qualifié de contrat de travail une relation liant un travailleur avec une plateforme numérique.
Dans la présente affaire, la plateforme mettait en relation les clients passant commandes auprès de restaurateurs partenaires et des livreurs indépendants qui procédaient à la livraison des commandes.
Le Conseil des prud’hommes a été saisi, par l’un des livreurs, afin de faire qualifier de contrat de travail la relation le liant à la plateforme.
La Cour d’appel a rejeté sa demande aux motifs qu’il n’existait pas de lien d’exclusivité entre lui et la plateforme et qu’il disposait de la liberté de choisir ses jours et horaires de travail. Cette décision a été censurée par la Cour de cassation.
Selon cette dernière, la plateforme, ayant la possibilité de géolocaliser en temps réel le livreur, de comptabiliser le nombre de kilomètres parcourus et de le sanctionner au moyen d’un système de « bonus/malus », exerçait un véritable pouvoir de contrôle et de direction à l’égard du livreur, caractérisant l’existence d’un lien de subordination.
Ainsi la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un contrat de travail.
Cette décision permet ainsi d’invalider la position, selon laquelle la mise en place, dans le Code du travail, de plusieurs dispositions attribuant aux travailleurs quelques garanties minimales, établirait une présomption de non salariat à l’égard de ceux-ci.
Dans le même sens, la Cour d’appel de Paris a reconnu, le 10 janvier 2019, l’existence d’un contrat de travail entre la plateforme Uber et l’un de ses anciens chauffeurs. Selon la Cour d’appel, le lien de subordination était suffisamment caractérisé. La Cour d’appel a renvoyé le dossier au Conseil de Prud’hommes qui s’était précédemment déclarée incompétente au profit du Tribunal de commerce de Paris.