Veille juridique du 19 février 2018
- L'actualité
- Veille juridique du 19 février 2018
DROIT DES AFFAIRES / FISCALITÉ
Précisions sur l’obligation de rapporter une donation faite à un héritier par société interposée
Dans un arrêt rendu le 24 janvier dernier, la Cour de cassation est venue rappeler que l’interposition d’une société entre un donateur et son donataire ne fait pas obstacle au rapport de la donation à la succession du donateur. Elle a également ajouté que ce rapport n’est dû qu’en proportion des droits que le donataire détient dans le capital social de la société.
En l’espèce, un commerçant avait donné en location-gérance un fonds de commerce à une société constituée et gérée par son fils. A son décès, son épouse ainsi que ses deux enfants sont alors venus à sa succession. Celui-ci avait préalablement rédigé un testament qu’il avait ensuite modifié en indiquant qu’il n’avait jamais bénéficié de la restitution du fonds de commerce. Sa fille a alors demandé que la valeur du fonds soit totalement rapportée à la succession de son père. Son frère, s’y opposant, a considéré qu’il n’avait à rapporter que les donations qui lui avaient été personnellement consenties.
La Cour de cassation a écarté son argument puisque tout héritier doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement (art.843, al.1, C. civ).
Il convient de rappeler que la donation indirecte est celle qui, sans simulation, résulte d’un acte juridique licite n’ayant pas, de par sa nature, un caractère gratuit. Elle se réalise donc par un acte différent de celui de la donation mais, contrairement à la donation déguisée, ne comporte aucune dissimulation ou feinte. Si les donations doivent en principe être reçues sous la forme notariée, il résulte cependant d’une jurisprudence ancienne que les donations indirectes peuvent échapper à cette règle de forme (Cass. 1e civ. 27-11-1961 n°553). Outre cette particularité, ces donations indirectes restent soumises aux règles régissant les donations « traditionnelles ».
La décision de la Cour de cassation est donc une application inédite de la notion de donation indirecte par interposition d’une société, une telle interposition pouvant par exemple être caractérisée par le contrôle exercé par le donataire sur la société.
La Cour de cassation a tout de même tempéré sa décision quant à l’évaluation de la somme à rapporter à la succession. Elle a en effet cassé l’arrêt de la Cour d’appel ayant retenu que la somme devait correspondre à la valeur du fonds de commerce donné en location-gérance. En effet, le rapport n’est dû qu’en proportion du capital détenu par le donataire dans la société interposée, en vertu des articles 843 et 857 du Code civil.
Cass. 1e civ. 24-01-2018 n°17-13.017 FS-PB
DROIT SOCIAL
Le contrôle par la DIRECCTE des « catégories professionnelles » justifiant un PSE
L’article L. 1233-24-2 du Code du travail précise que le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) doit indiquer les catégories professionnelles qui vont faire l’objet d’une suppression d’emploi.
Les catégories professionnelles constituent « l’ensemble des salariés exerçant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ».
Ces catégories professionnelles sont soit fixées par un accord collectif soit par une décision unilatérale de l’employeur.
Le Conseil d’État est venu préciser, par quatre arrêts rendus le 7 février 2018, le contrôle administratif que peut faire la Direction Régionale de l’Entreprise, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) sur les catégories professionnelles fixées, dans l’optique de la mise en œuvre d’un PSE.
Si les catégories professionnelles sont déterminées par un accord collectif, le contrôle de la DIRECCTE est restreint, et la DIRECCTE validera presque systématiquement le PSE.
Toutefois, le Conseil d’État a jugé que la DIRECCTE ne devait pas valider le PSE, si l’accord collectif fixait des catégories professionnelles de manière discriminatoire, tel que l’âge ou le sexe.
Par ailleurs, il est plus difficile d’obtenir l’homologation du PSE en cas de fixation des catégories professionnelles par une décision unilatérale de l’employeur.
Dans une telle hypothèse, la DIRECCTE effectue un contrôle davantage approfondi.
En effet, elle doit vérifier comment l’employeur a justifié le choix d’une catégorie professionnelle auprès des institutions représentatives du personnel.
En outre, elle est tenue de vérifier :
- si la méthode globale de découpage retenue par l’employeur ne repose pas sur des critères en lien avec les compétences – tel est le cas si le découpage est fait en fonction de l’organigramme de l’entreprise ;
- s’il est l’employeur a défini de manière détournée des catégories professionnelles pour cibler certains salariés.
CE., 7 février 2018, n°399838, 403001, 403989, 407718, 409978
Impossibilité pour l’employeur de minorer le montant de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence en fonction des circonstances de la rupture
La Cour de cassation est venue préciser qu’en cas de rupture conventionnelle, l’employeur doit verser au salarié l’indemnité de non-concurrence dont le montant est fixé par la convention collective, et ce même si elle ne prévoit son versement que dans le cadre d’un licenciement ou d’une démission.
En l’espèce, une salariée avait été engagée comme assistante juridique, relevant alors de la Convention collective nationale des experts comptables et des commissaires aux comptes. Suite à la signature d’un protocole de rupture conventionnelle, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, portant notamment sur le bénéfice de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence figurant dans ladite Convention collective.
En effet, son contrat contenait bien une clause de non-concurrence, mais sans prévoir de contrepartie financière tandis que la Convention collective envisageait des modalités relatives à la contrepartie, mais seulement en cas de licenciement et de démission.
La Cour d’appel avait refusé de lui appliquer, considérant qu’elle n’était pas stipulée en cas de rupture conventionnelle homologuée. Elle lui avait cependant accordé une indemnité réparant le préjudice résultant de l’exécution de cette clause nulle, faute de contrepartie financière, dont le montant était inférieur à ce que la salariée espérait percevoir si elle avait pu bénéficier de l’indemnité résultant de cette clause.
La Chambre sociale a toutefois cassé cet arrêt au motif que le montant de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence ne peut être minoré en fonction des circonstances de la rupture.
Par conséquent, la contrepartie prévue par la Convention collective en cas de licenciement ou de démission était tout de même applicable.
Cette interdiction de tenir compte du mode de rupture entraîne finalement la neutralisation de la disposition concernée, que celle-ci soit d’origine contractuelle ou conventionnelle.