Veille juridique du 26 juin 2017
- L'actualité
- Veille juridique du 26 juin 2017
DROIT DES AFFAIRES / FISCALITÉ
Conditions de l’assignation en redressement judiciaire par un créancier
Selon les dispositions de l’article L.631-5 al.2 du Code de commerce, la procédure de redressement judiciaire peut être ouverte sur assignation d’un créancier, quelque soit la nature de sa créance, sauf cas où le débiteur est déjà soumis à une procédure collective. Le créancier devra naturellement justifier de l’état de cessation des paiements de son débiteur.
Cet état de cessation des paiements se définit, par les articles L.631-1 al.1 et L.640-1 al.1 du Code de commerce, comme l’impossibilité du débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Il est également entendu qu’un titre exécutoire est l’acte permettant au créancier de constater une créance auprès de son débiteur, condition nécessaire à l’assignation de ce dernier par le créancier.
Or, une créance pourra être prise en considération afin de caractériser une cessation des paiements, dès lors qu’elle est certaine (avérée), liquide (déterminable) et exigible (arrivée à échéance), et qu’au titre du passif exigible du débiteur, son actif disponible ne permet pas de faire face à cette dernière.
De fait, « le créancier qui assigne son débiteur en redressement judiciaire n’a pas à justifier d’un titre exécutoire, pourvu que sa créance soit certaine, liquide et exigible » pouvant ainsi « être prise en considération, au titre du passif exigible, pour caractériser la cessation des paiements ».
Cass. com., 28 juin 2017, n°16-10025
Recours du gérant face à une révocation déguisée en démission
Un associé/gérant cède ses parts le même jour qu’une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) ayant pour ordre du jour sa démission et la nomination d’un nouvel associé en tant que gérant. Le gérant démissionnaire engage une procédure en annulation pour contester cette démission, au titre du non respect des délais de convocation. Il s’agissait en l’espèce d’une révocation habillée sous la forme d’une démission.
Les juges de cassation font valoir la nullité de l’AGE pour son irrégularité, mais constatent que la démission d’un gérant, sauf stipulations contraires dans les statuts, produit ses effets dès lors qu’elle a été portée à la connaissance de la société, sans rétractation possible.
Selon la Cour, « la démission d'un dirigeant de société, qui constitue un acte juridique unilatéral, produit tous ses effets dès lors qu'elle a été portée à la connaissance de la société, qu'elle ne nécessite aucune acceptation de la part de celle-ci et ne peut faire l'objet d'aucune rétractation ».
Le seul recours qui reste néanmoins ouvert au gérant révoqué, par voie de démission déguisée, est de « contester la validité en démontrant que sa volonté n'a pas été libre et éclairée ».
DROIT SOCIAL
Ordre de licenciements et plans de départs volontaires
Le Code du travail, dans sa rédaction actuelle, impose de déterminer l’ordre des licenciements par la prise en compte de critères légaux ou conventionnels (L.1233-5 du Code du travail), après avoir identifié les postes de travail concernés par la mesure de licenciement, c’est-à-dire parmi les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et occupant des fonctions de même nature.
Cependant, lorsqu’un salarié choisi de quitter l’entreprise dans le cadre d’un plan de départ volontaire, alors qu’il appartient à la catégorie concernée par la mesure de licenciement pour motif économique, les dispositions relatives à l’ordre des licenciements ne doivent pas obligatoirement être mises en œuvre par l’employeur, à moins que celui-ci n’ait pris l’engagement de s’y soumettre.
C’est en ce sens que la Cour de cassation, par un attendu de principe, reconnait cette réserve en ce que « sauf engagement de l'employeur de s'y soumettre, celui-ci n'est pas tenu de mettre en œuvre les dispositions légales ou conventionnelles relatives à l'ordre des licenciements lorsque la rupture du contrat de travail pour motif économique résulte d'un départ volontaire du salarié dans le cadre d'un plan de départ volontaire prévu après consultation des institutions représentatives du personnel ».
Cass. soc., 1er juin 2017, n°16-15456
Les contours du projet de loi d’habilitation prévoyant une réforme du Code du travail
Le « projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » a été présenté le 28 juin 2017 en Conseil des ministres afin de permettre la réforme par ordonnance du Code du travail. Il se compose de 9 articles et repose sur trois piliers :
- nouvelle articulation de l'accord d'entreprise et de l'accord de branche ;
- renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs ;
- rendre les règles régissant la relation de travail plus prévisibles et plus sécurisantes.
- Redéfinir le licenciement économique: le gouvernement souhaite redéfinir le périmètre d’appréciation des difficultés économiques ainsi que le seuil de déclenchement du plan de sauvegarde de l’emploi en fonction de la taille de l’entreprise. En ce sens, les critères d’ordre de licenciement seront redéfinis au regard de l’âge, de l’ancienneté, de la situation familiale ainsi que des qualités professionnelles.
De même, les seuils de déclenchement d’un plan de sauvegarde d’emploi seront réévalués en fonction de la taille de l’entreprise et du nombre de licenciements concernés. Le gouvernement souhaitant également favoriser les plans de départs volontaires.
Enfin, les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail seront revues tant sur le plan fiscal que social.
- Sécuriser les contentieux : le projet de loi d’habilitation souhaite sécuriser le contentieux relatif aux accords collectifs, et fait référence à des règles précises de preuve dont il appartiendra à celui qui conteste de démontrer que l’accord collectif en cause n’est pas conforme aux conditions légales le régissant, tout en aménageant les délais de contestation d’un tel accord.
De même, le souhait du gouvernement reste de sécuriser les ruptures de contrat de travail, en prévoyant des dispositions favorisant en ce sens, notamment en adaptant les règles de procédure et de motivation qui seront applicables aux décisions de licenciement, ainsi que du manquement éventuel de celles-ci afin que « la forme ne prévale plus sur le fond ». De plus, ce projet tend à favoriser le recours à la conciliation devant la juridiction prud’homale.
Enfin, le projet de loi prévoit également de raccourcir les délais de recours contentieux en cas de rupture du contrat de travail tout en instaurant un nouveau référentiel obligatoire de dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou entaché d’une faute de l’employeur d’une particulière gravité, notamment en fonction de l’ancienneté du salarié.
- Favoriser les partenaires sociaux : Le projet de loi du gouvernement tend à étendre certaines pratiques déjà en vigueur dans certaines entreprises :
Le chèque syndical par exemple, permettant à une entreprise de verser une somme au salarié dont celui-ci aura la possibilité d’adresser, ou non, cette somme au syndicat de son choix, sans contrainte d’adhésion.
Le projet de fusionner les délégués du personnel, le conseil d’entreprise (CE) et le CHSCT en une instance unique pour la représentation du personnel, dont l’intégration des délégués syndicaux serait ouverte par voie d’accord collectif, signe d’un renforcement du partenariat social.
De même en ce qui concerne la volonté d’instaurer le référendum d’entreprise afin de faciliter la consultation des salariés pour valider un accord d’entreprise.
- Favoriser l’accès à l’emploi: le projet entend rénover certaines formes d’emploi, comme le travail à distance (télétravail), le travail de nuit ou le prêt de main-d’œuvre.
Les accords collectifs pourront, semble-t-il, adapter la pratique d’utilisation des CDD en instaurant des règles particulières au regard, des motifs de recours aux CDD, de la durée de recours à ce dispositif, ou encore au regard des conditions de son renouvellement.
Enfin, le gouvernement souhaite proposer une extension à la pratique du « contrat de chantier » (L.1238-8 Code du travail), contrat conclu pour la durée d’un chantier et qui cesse à sa réalisation, pour d’autres activités qui seront définies ultérieurement. Une pratique déjà existante par l’intermédiaire de CDI intérim ou du CDD à objet définitif, prenant fin à la réalisation d’un objectif ou d’un événement prédéfini.