Veille juridique du 5 février 2018
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DROIT DES AFFAIRES & FISCALITÉ
Refacturation par une holding mixte à ses filiales de frais relatifs à leur opération de restructuration : prise en compte dans le coefficient de taxation forfaitaire des recettes tirées de cette activité économique occasionnelle taxable
L’affaire « Lagardère » a permis d’éclairer certains points en matière de TVA concernant la refacturation de frais par une holding à ses filiales.
En l’espèce, une holding mixte, ayant refacturé sans marge à ses filiales des frais de conseil relatifs à des restructurations réalisées in fine par ces dernières, avait alors soumis ces refacturations à la TVA.
Par la suite, elle avait déduit la taxe ayant grevé les frais de conseil, et intégré les recettes correspondantes au numérateur et au dénominateur du coefficient de taxation forfaitaire.
Le Conseil d’Etat a, dans un premier temps, accepté la prise en compte de ces recettes dans le calcul dudit coefficient puisqu’aucune disposition du CGI, ni de la directive TVA, ne prévoit expressément cette exclusion (CE 23 janvier 2015 n°365520).
Sur renvoi, la cour d’appel de Versailles a alors considéré que la refacturation de ces frais ne constituait même pas une activité économique effectuée par un assujetti agissant en tant que tel, et entrant dès lors dans le champ d’application de la TVA (CAA Versailles 31 janvier 2015 n°15VE00304).
Le Conseil d’Etat, dans un second temps, a finalement sanctionné ce raisonnement puisqu’une personne assujettie à la TVA pour une activité économique exercée de manière permanente reste assujettie pour toute autre activité économique, même exercée de manière occasionnelle, dès lors qu’il s’agit bien d’une prestation de services effectuée à titre onéreux.
Il convient néanmoins de rester prudent puisque la refacturation doit tout de même pouvoir être qualifiée de prestation de services au sens de la TVA ; tel sera alors le cas si l’intervention de la holding n’est pas artificielle et qu’elle a été réalisée dans l’intérêt du groupe.
Exigence de précision quant à la mention manuscrite de la durée d’un cautionnement à durée déterminée
Le code de la consommation prévoit, à peine de nullité, que toute personne physique s’engageant, par acte sous seing privé, en qualité de caution envers un créancier professionnel doit faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de X, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même ».
Cette mention implique logiquement l’inscription d’une durée précise concernant un cautionnement à durée déterminée. C’est donc sur ce principe que la Cour de cassation a pu annuler un cautionnement consenti par le principal associé et gérant d’une société garantissant les dettes de celle-ci.
En effet, elle a jugé irrégulière la clause prévoyant que la caution s’engageait « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d'accord partie ».
Dès lors, ce terme incertain ne permettait pas à cette dernière de xaconnaître la date limite de l’acte au moment où elle s’était engagée.
La Cour de cassation avait déjà considéré que la durée de l’engagement est un élément essentiel puisqu’il permet à la caution de prendre conscience de la réelle portée de son engagement. Par conséquent, il est nécessaire qu’elle soit inscrite sans qu’il faille se reporter aux clauses imprimées de l’acte (Cass. 1e civ. 9-7-2015 n° 14-24.287 F-PB). Elle a également précisé que cette exigence doit s’apprécier indépendamment de la qualité de dirigeant de la caution, ou même de sa potentielle connaissance de l’étendue de son engagement de garantie en raison de ses fonctions.
Par ailleurs, c’est bien l’intégralité de l’acte de cautionnement qui a été annulée, et pas uniquement la clause litigieuse, puisque, comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, ce n’est qu’en cas d’absence ou de non-conformité à la mention prévue par l’article L 331-2 du code de consommation relative au cautionnement solidaire que le cautionnement reste valable malgré la nullité de la clause de solidarité.
En effet, l’absence ou la non-conformité de la mention de l’article L 331-1 du même code nous intéressant rend bel et bien nul l’acte de cautionnement dans son intégralité.
Cass. Com. 13 décembre 2017 n°15-24.294
DROIT SOCIAL
Parité homme-femme au sein du Conseil d’entreprise conforme à la Constitution
La loi n°2015-994 du 17 août 2015, dite loi Rebsamen, a imposé une parité homme-femme proportionnelle à leurs parts respectives au sein des collèges électoraux, pour l’élection du comité d’entreprise (CE).
Cette loi met en place une règle d’arrondi arithmétique lorsque la répartition entre les hommes et les femmes ne permet pas de définir un nombre entier de candidats à désigner pour chaque sexe.
En effet, en cas de décimale supérieure ou égale à 5, il est procédé à l’arrondi à l’entier supérieur ; et inversement.
Le Conseil constitutionnel a été saisi pour statuer sur la conformité à la Constitution de cette règle d’arrondi arithmétique.
En effet, les griefs invoqués étaient que ce calcul ne respectait ni le principe constitutionnel de participation des travailleurs, ni celui d’égalité devant la loi, en ce qu’il pouvait aboutir à ce qu’un salarié du sexe sous-représenté ne puisse présenter aucune candidature, en cas de représentation hommes-femmes déséquilibrée.
Le Conseil constitutionnel a considéré que les législateurs souhaitaient mettre en place l’objectif constitutionnel « d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Par conséquent, le Conseil a observé que le législateur avait opéré une conciliation entre cet objectif et le principe de participation des travailleurs. Le Conseil considère également que le principe d’égalité devant la loi était respecté.
Toutefois, une réserve a été émise. En effet, la règle d’arrondi arithmétique « ne saurait, sans porter une atteinte manifestement disproportionnée au droit d’éligibilité aux institutions représentatives du personnel résultant du principe de participation, faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral ».
Par ailleurs, l’Ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a anticipé ces griefs puisqu’elle prévoit, pour les élections du Comité Social et Économique – amené à remplacer le CE -, que si la règle conduit à exclure la représentation de l’un ou l’autre sexe, la liste de candidats pourra comporter un candidat du sexe qui fait défaut.
Constit. QPC. 19 janvier 2018, 2017-686
Interdiction faite au juge d’aggraver la faute retenue par l’employeur
L’article L. 1226-18 du code du travail dispose que : « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ».
Le licenciement prononcé pour un autre motif doit être sanctionné, dans cette hypothèse, par la nullité.
En l’espèce, un salarié, en arrêt maladie pour maladie professionnelle, a été licencié sur le fondement de l’article L.1226-9 du code de travail, pour cause réelle et sérieuse, sans indication supplémentaire.
Or, le licenciement du salarié ne pouvait être prononcé qu’en raison d’une faute grave ou de l’impossibilité de l’employeur de maintenir le contrat de travail.
La cour d’appel de Rennes a considéré qu’il appartenait au juge de donner aux faits invoqués à l’appui du licenciement, leur véritable qualification ; ainsi elle a qualifié la faute du salarié - fait d'harcèlement sexuel - de faute lourde.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, et expose que : « le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur et qu’elle avait constaté que la lettre de licenciement ne prononçait qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour une faute grave ».
Dès lors, le juge ne peut aggraver la faute retenue par l’employeur afin de justifier du licenciement d’un salarié.