Mesures préventives
Le droit contemporain des entreprises en difficulté est axé sur la prévention. La loi du 25 juin 2005 a amélioré l’efficacité de la procédure amiable préventive qui existait jusqu’alors ; jadis appelée règlement amiable, désormais procédure de conciliation.
Cette loi a également créé la procédure de sauvegarde. Cette dernière vient s’ajouter aux autres procédures collectives que sont le redressement et la liquidation judiciaires (vous pouvez vous informer sur ces trois notions en vous référant aux articles que nous avons publiés à ce sujet).
Parmi les outils mis à notre disposition par le droit des entreprises en difficulté, il existe deux mesures préventives amiables :
- Le mandat had hoc : le débiteur demande en justice la nomination d’un mandataire had hoc, chargé de l’assister (1) ;
- La conciliation : le débiteur demande en justice la nomination d’un conciliateur, chargé de favoriser la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers (2).
- Le mandat had hoc (article L.611-3 C. Com.)
- La conciliation (articles L.611-4 et suivants C. Com.)
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1.Le mandat had hoc (article L.611-3 C. Com.)
La désignation du mandataire had hoc
La désignation du mandataire had hoc se veut souple et discrète. L’initiative de la demande de désignation incombe uniquement au débiteur, le seul critère étant que l’entreprise ne soit pas déjà en état de cessation des paiements. Aucun critère n’est fixé quant au seuil ou à la nature des difficultés que le débiteur rencontrerait.
Le débiteur peut proposer le nom d’un mandataire had hoc. Ce peut être un administrateur judiciaire, un mandataire judiciaire ou plus rarement un avocat ou un expert-comptable (sous réserve d’incompatibilités posées à l’article L611-13 C. Com.). La rémunération du mandataire had hoc est fixée dès sa nomination, par le juge et en accord avec le débiteur.
Aussi, toutes les clauses des contrats en cours qui aggraveraient la situation du débiteur sont réputées non écrites (clauses qui aménageraient les droits et obligations des signataires en cas de nomination d’un mandataire had hoc).
Enfin, cette procédure est confidentielle. Notamment, les institutions représentatives du personnel n’ont pas à être obligatoirement informées de la demande de désignation. En revanche, le commissaire aux comptes doit en être informé.
Le rôle du mandataire had hoc
C’est au Président du Tribunal de fixer, avec l’accord du débiteur, la mission du mandataire had hoc ainsi que la durée de celle-ci. Le rôle du mandataire had hoc est toujours d’assister le débiteur afin de faciliter la conclusion d’un accord négocié avec les créanciers. Il ne peut rien imposer aux parties.
Si cette procédure est un succès, elle débouche sur un protocole d’accord ayant une nature purement contractuelle (susceptible de tomber sous le coup des nullités de la période suspecte en cas d’état de cessation des paiements).
Le mandat had hoc est également perçu comme l’antichambre de la conciliation afin de préparer des solutions en amont, la conciliation ayant un champ d’opérations et une durée limités.
2.La conciliation (articles L.611-4 et suivants C. Com.)
L’ouverture de la conciliation
Les personnes éligibles à la conciliation recouvrent un champ très large. Seuls en sont exclus les exploitants agricoles n’exerçant pas leur activité dans le cadre d’une société commerciale ainsi que les syndicats de copropriété (chacun a un régime spécifique).
Concernant la situation économique du débiteur, ce dernier doit éprouver une difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible. Ces difficultés, dont la nature importe peu, doivent être perceptibles et sérieuses. Il faudrait au minimum que les difficultés rencontrées représentent une menace pour la continuité de l’exploitation (ce qui fait référence au seuil requis pour la procédure d’alerte).
Aussi, le débiteur ne doit pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Il ne doit pas non plus avoir fait l’objet d’une autre procédure de conciliation dans les trois mois qui précèdent sa demande.
Le débiteur doit introduire une demande de conciliation auprès du président du tribunal par le biais d’une requête. Les règles de désignation du conciliateur sont identiques à celles applicables pour le mandataire had hoc.
Le Président du Tribunal a alors le choix entre rejeter la demande, car il estime que les conditions d’ouverture ne sont pas satisfaites, ou bien accepter d’ouvrir la procédure de conciliation. Il va alors fixer la durée de la conciliation, qui ne peut pas excéder 4 mois mais peut être prorogée d’un mois, aboutissant à un délai total de 5 mois.
Le déroulement de la conciliation
La mission du conciliateur consiste à favoriser la conclusion, entre le débiteur et les créanciers volontaires, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Dans cet accord confidentiel, il va négocier des délais de paiement, remises de dettes ou avances nouvelles en contrepartie d’engagements du débiteur (restructuration, augmentation de capital, octroi de garanties aux créanciers).
Il s’agit d’un accord amiable ; le conciliateur ne peut rien imposer. Néanmoins, le législateur a mis en place deux mesures afin de favoriser l’aboutissement amiable de la conciliation. Une menace d’abord : au cours de la procédure, si le débiteur est mis en demeure ou qu’il est poursuivi par un créancier récalcitrant, il peut se voir octroyer un délai de grâce. Une incitation ensuite : la responsabilité des créanciers ne pourra pas être engagée du fait de préjudices dus à des concours consentis, sauf en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou en cas de garanties disproportionnées par rapport aux concours consentis.
NB : Depuis 2014, le conciliateur peut aussi être chargé de préparer la cession partielle ou totale de l’entreprise, qui sera mise en œuvre dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. On parle de pré-pack cession.
Le dénouement de la conciliation
Si la conciliation est un succès, le contrat conclu obtient la force obligatoire : les créanciers sont notamment tenus des délais de paiement et des remises de dettes accordées. Aussi, les créanciers qui ont accordé ces concours ne peuvent plus exercer de poursuites contre les garants (souvent le chef d’entreprise).
La valeur juridique de l’accord diffère ensuite selon qu’il soit simplement constaté ou bien homologué par le tribunal.
Accord simplement constaté
Le débiteur soucieux de ne pas ébruiter ses difficultés peut opter pour la simple constatation. Moins contraignante, elle produit cependant des effets moins forts.
La constatation de l’accord s’effectue par requête conjointe des parties devant le président du Tribunal. Ce dernier procède alors à un contrôle purement formel puis constate l’accord, ce qui lui confère la force exécutoire (il suffira aux créanciers de produire l’accord pour obtenir l’exécution forcée sur les biens du débiteur).
Cette constatation a l’avantage de ne pas donner lieu à publicité. En revanche, l’accord n’aura pas autorité de chose jugée à l’égard des tiers, si bien qu’en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’accord pourra tomber sous le coup des nullités de la période suspecte.
Accord homologué
Le débiteur peut décider de soumettre son accord à l’homologation du Tribunal (souvent, c’est même une condition suspensive des engagements des créanciers).
Le Tribunal entend alors différentes parties et homologuera l’accord si 3 conditions cumulatives sont satisfaites :
- Le débiteur n’est pas en état de cessation des paiements ou l’accord y met fin.
- Les termes de l’accord garantissent la pérennité et la poursuite de l’entreprise.
- L’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires.
Le jugement d’homologation est rendu public et il a l’autorité absolue de chose jugée (il échappera donc aux nullités de la période suspecte).
Aussi, l’accord confère un privilège de paiement aux créanciers qui font un apport en trésorerie ou qui apportent à l’entreprise un bien nouveau ou un service nouveau. On parle communément de privilège de conciliation, de privilège d’argent frais ou de privilège de new money. En cas d’ouverture d’une procédure collective, ces créanciers seront prioritaires pour obtenir le paiement de leurs créances.
L’accord de conciliation peut être résolu dans deux hypothèses :
- L’inexécution de l’accord, suite à la demande d’un créancier
- L’ouverture d’une procédure collective, de plein droit
Enfin, la conciliation peut également s’avérer être un échec si le conciliateur ne parvient pas à trouver un accord. Il faut alors basculer dans une procédure collective. L’inconvénient est de devoir repartir de zéro. C’est pourquoi, à la suite d’une conciliation bloquée, le législateur a mis en place deux procédures spécifiques :
- La sauvegarde accélérée (art. L.628-1 et s. C. Com.), ouverte à la demande du débiteur qui a élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise et dont l’adoption est vraisemblable dans un délai de 30 jours ;
- La sauvegarde financière accélérée (art. L.628-9 et s. C. Com.), qui n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers financiers.
LIBERT AVOCATS est à votre disposition pour vous apporter une expertise éclairée et personnalisée sur la situation de votre entreprise et vous accompagner dans les éventuelles difficultés qu’elle rencontre.