Chef d'entreprise anticipation matrimoniale et patrimoniale
La gestion d’entreprise est une activité risquée soumise à de nombreux aléas. Si vous êtes chef d’entreprise et marié ou en passe de le devenir, il convient malgré tout d’anticiper un éventuel divorce. En effet, le divorce risque pourrait avoir un impact conséquent sur le fonctionnement, voire la pérennité de votre entreprise.
Ces conséquences dépendent à la fois :
- Du régime matrimonial qui liait les époux
- De la structure juridique de l’entreprise
- Du statut du conjoint
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1.Le choix du régime matrimonial
Le régime de la communauté réduite aux acquêts
Les biens acquis pendant le mariage deviennent communs et sont divisés par moitié entre les époux en cas de divorce.
Ainsi, si l’entreprise a été créée ou acquise pendant le mariage, elle doit être partagée en deux au moment du divorce, sauf si elle a été fondée avec des fonds dont l'origine personnelle est précisée dans une clause de remploi.
Le compte courant d’associé alimenté pendant le mariage constitue également un bien commun à répartir.
En revanche, si l'entreprise a été acquise ou créée avant le mariage ou qu'elle a été reçue en cours de mariage par donation ou succession, elle reste un bien propre et n'entre pas en compte dans le partage des biens de la communauté.
En plus du risque de partage de l’entreprise, lorsque les titres ont été acquis par des biens communs, l’autre époux peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales, postérieurement à l’apport ou à l’acquisition (article 1832-2 du Code civil).
Cette faculté est susceptible d’emporter de lourdes difficultés : partage du droit de vote, paralysie des organes sociaux, perte du contrôle majoritaire, etc. Cette revendication peut être faite jusqu’à la décision prononçant le divorce.
Les éventuelles clauses d'agrément prévues par les statuts sont opposables au conjoint. Étant précisé que lors de la délibération sur l’agrément, l’époux ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Le régime de la séparation de biens
Lorsque l'entrepreneur est marié sous ce régime et qu'il a acquis ou créé son entreprise avec ses fonds propres et sans indivision, le conjoint n'a en principe droit à rien en raison de l’indépendance patrimoniale de chacun des époux.
Toutefois, si ce conjoint a travaillé bénévolement au sein de l'entreprise, il peut demander une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû recevoir.
Le régime de la participation aux acquêts
Ce régime est fondé sur la répartition des richesses créées par les époux. En cas de divorce, le notaire procède à une évaluation des patrimoines de chaque époux et celui s’étant le plus enrichi devra verser une créance de participation à l’autre. Il est néanmoins possible d’exclure l’entreprise en incluant une clause particulière dans le contrat de mariage.
Le régime de la communauté universelle
Les biens acquis avant et durant le mariage entrent automatiquement dans la communauté des époux. Il n’y a aucun bien propre. Ainsi, même si l’entreprise a été créée avant le mariage, elle sera considérée comme bien propre aux deux époux. En cas de divorce, le couple suivra la même procédure qu'en cas de régime de la participation aux acquêts.
Il est aussi possible d’éviter d’inclure les biens professionnels grâce à une clause dans le contrat de mariage. Cela permet au dirigeant exploitant de garder une autonomie pendant le mariage mais aussi d’exclure l’entreprise de la créance de participation.
2.Le choix de la structure juridique de l’entreprise
Si les règles sont identiques avec la situation de l’entreprise individuelle, une difficulté supplémentaire risque d’apparaitre lors de la liquidation des intérêts des conjoints.
Durant cette période, et notamment lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, se pose la question de la gestion courante de la société (savoir qui peut voter aux assemblées générales…).
En cas de blocage, il sera possible de solliciter le tribunal de commerce afin de désigner un mandataire.
Un associé commun en bien ne peut céder sans l’accord de son conjoint les parts sociales pourtant inscrites à son seul nom (article 1424 du Code Civil). Il en va de même pour un époux actionnaire commun en biens qui ne peut donc disposer librement de ses titres et notamment les céder seul. Les titres relèvent en effet des règles de la gestion de l’indivision (article 815-3 du Code Civil).
En pratique, tant que le jugement de divorce n'est pas passé en force de chose jugée, le conjoint peut exiger de devenir personnellement associé de la société pour la moitié des titres non négociables (parts sociales de SARL, SNC, etc.) lorsque celles-ci ont été acquises grâce à des biens communs (article 1832-2 du Code civil – cf supra).
Ce n'est en revanche pas le cas des titres négociables (actions de SA ou de SAS), bien que les actions anciennement communes puissent devenir indivises entre les anciens époux.
3.Le statut du conjoint
Associé
Le plus simple pour éviter des complications subvenant lorsque les deux époux sont associés est, lors de la création d’une petite entreprise, de décider la détention du capital par l’exploitant et la renonciation du conjoint à la qualité d’associé. Ainsi, lors du partage du patrimoine en cas de divorce, si les parts sociales sont entièrement détenues par le dirigeant, elles pourront être compensées par exemple par des biens personnels.
A minima, il est souhaitable d’éviter les situations de détention du capital à parts égales et de privilégier que l’un des conjoints soit associé majoritaire afin qu’il puisse assurer la gestion courante même lors du divorce.
Si l’ex-époux souhaite sortir de la société, il peut se faire racheter ses parts par le biais d’une réduction de capital. Aussi, une clause statutaire de « buy or sell » peut permettre à l’un des associés de contraindre l’autre à lui racheter ses parts ou à vendre les siennes à un prix défini.
Collaborateur
Dans le cas où l’ex-époux travaille dans l’entreprise comme conjoint collaborateur, il ne perçoit pas de rémunération et n’est pas associé, mais il bénéficie d’une protection sociale. Le divorce lui fait perdre ce statut.
Afin de tenir compte des différences de niveau de vie entre les deux ex-époux, le juge peut décider le versement d’une prestation compensatoire par le chef d’entreprise, pouvant conduire à la vente d’actifs de la société ou à une sortie de trésorerie.
Salarié
Le divorce ne constituant pas une cause de licenciement, il ne met pas fin au contrat de travail. Si la collaboration des ex-époux s’avère difficile, il convient d’organiser une rupture conventionnelle.
LIBERT AVOCATS vous accompagne dans le choix et l’anticipation de la meilleure option.