Abus de majorité : une mise en réserve systématique des bénéfices non contraire à l’intérêt social

L’abus de majorité suppose la réunion de deux conditions :

• Une décision contraire à l’intérêt social ;
• Une décision qui a pour but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires.

Dans l’arrêt du 4 novembre 2020, des associés minoritaires reprochaient aux associés majoritaires d’affecter systématiquement les bénéfices en réserve lors des assemblées générales annuelles d’approbation des comptes depuis 2010.

Or, l’affectation systématique des bénéfices en réserve qui priverait les associés minoritaires de percevoir des dividendes peut fonder un abus de majorité (par exemple, un abus de majorité caractérisé en cas d’absence prolongé de distribution de dividende concomitamment à l’augmentation des rémunérations du dirigeant Cass. com., 20 févr. 2019, no 17-12.050).

Dans le présent arrêt, la Cour relève que la société avait contracté en 2013 un emprunt de 1.7 millions d‘euros sur 15 ans pour le financement de ses projets. Ainsi la mise en réserve des bénéfices était selon la Cour « de bonne et prudente gestion ». D’autre part, la société avait également conclu des contrats de crédit-bail pour le financement de certains actifs de la société.

Par conséquent, les juges considèrent que l’affectation des bénéfices en réserve n’était pas contraire à l’intérêt social dans la mesure où ses bénéfices assurent à la société une capacité de remboursement « sure et durable ».

A notre avis, même si cette solution n’est pas nouvelle en matière d’affectation des bénéfices, la situation économique actuelle due à la pandémie du COVID 19 rendra difficile la démonstration d’une contrariété à l’intérêt social, pour toutes les sociétés qui prudemment pourront consolider leurs fonds propres.

Cass. com., 4 nov. 2020, n° 18-20.409