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La jurisprudence QUEMENER ne s'applique pas au régime des plus-values mobilières des particuliers
Le mécanisme de correction du prix de revient des parts, issu de la jurisprudence QUEMENER, ne s’applique pas au calcul des plus-values de cessions de titres de sociétés de personnes soumises à l’impôt sur les sociétés.
Catégorie
Droit fiscal
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Sommaire
1. Rappel de la jurisprudence QUEMENER
2. Absence d’application au régime des plus-values mobilières des particuliers
1. Rappel de la jurisprudence QUEMENER
i. Le risque de double imposition ou de double déduction
Juridiquement, pour tous les types de sociétés, lorsqu’une société réalise un bénéfice, les associés peuvent décider qu’il soit distribué sous la forme de dividendes ou qu’il soit mis en réserve.
Sur le plan fiscal cependant, concernant les sociétés translucides (soumises à l’IR), le revenu généré est imposé dans les mains des associés dès sa réalisation. Il est directement réputé distribué aux associés, peu important que la société ait effectivement décidé d’une distribution de dividendes ou non.
La distorsion entre la réalité juridique et la réalité fiscale de ce régime entraine ainsi un décalage entre l’imposition et la perception effective du revenu. Il n’y aura en revanche pas de nouvelle imposition lors de la distribution effective du bénéfice par la société.
En raison de cette divergence, un risque de double imposition ou de double déduction survient dans l’hypothèse où un associé souhaiterait céder ses titres sociaux. En effet, la détermination de la plus ou moins-value occasionnée par cette cession se fait par différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition, également appelé prix de revient.
Afin de valoriser la société, et ainsi les parts cédées, il ne faut pas se référer seulement au montant des apports d’origine mais à la valeur réelle de la société. Concrètement, cela correspond à prendre la valeur du capital social d’origine augmentée des réserves sociales (bénéfices qui n’ont pas été distribués).
La plus-value intégrant alors les réserves non distribuées, l’associé de la société soumise à l’IR risque de subir un phénomène de double imposition puisque, en plus de l’imposition de la plus-value, il a déjà été imposé sur le montant mis en réserve.
ii. Le mécanisme de correction introduit par cette jurisprudence
C’est dans ce souci de neutralisation que le Conseil d’Etat, par l’arrêt QUEMENER du 16 février 2000, a reconnu que, pour le calcul de la plus-value fiscale, il puisse être fait abstraction des réserves (autrement dit, des bénéfices) déjà taxées mais non distribuées.
Techniquement, le prix de revient des parts est augmenté du montant des réserves déjà taxées. Or, la plus-value se calcule par différence entre le prix de vente et le prix de revient. Une majoration du prix abaisse le montant de la plus-value. Ainsi, le prix de revient des titres augmenté des bénéfices non distribués efface la plus-value et évite la double imposition à hauteur des bénéfices non distribués.
A l’inverse, lorsque la société est déficitaire, fiscalement les pertes remontent immédiatement chez les associés qui peuvent alors les déduire de leurs revenus imposables sous certaines conditions.
Or, si ces pertes ne sont pas comblées par les associés et demeurent dans la société translucide au moment où les titres sont cédés, afin d’éviter un phénomène de double déduction, l’associé devra dégager une moins-value qui ne sera pas déductible à hauteur des pertes déjà constatées.
De nouveau, le prix de revient doit donc être minoré du montant des déficits réalisés par la société, antérieurement déduits par les associés et non comblés (par exemple, au moyen d’une augmentation de capital).
Le mécanisme de correction du prix de revient des titres se résume ainsi :
Plus-value / Moins-value =
Prix de cession
– Prix de revient
MAJORATION du prix de revient :
+ bénéfices non distribués (bénéfices mis en réserves, déjà imposés au nom de l’associé)
+ déficits comblés (pertes réalisées en France et que l’associé a dû combler)
MINORATION du prix de revient :
- bénéfices distribués (bénéfices réalisés en France et ayant donné lieu à répartition)
- déficits non comblés (pertes que l’associé a déjà déduites de son imposition)
2. Absence d’application au régime des plus-values mobilières des particuliers
La solution de l’arrêt QUEMENER repose sur le fait que le régime de la translucidité implique un décalage entre l’imposition des revenus et leur perception effective.
Ainsi, par un arrêt du 15 octobre 2020, la CAA de Bordeaux rappelle que ce mécanisme de retraitement ne s’applique pas dans le cadre d’une plus-value de cession de parts d’une société soumise à l’IS (société opaque), les cessions par un particulier de titres d’une société soumise à l’IS relevant du régime des plus-values des particuliers.
En l’espèce, pour le calcul de sa plus-value de cession de parts, un associé avait majoré le prix de revient du montant des apports en compte-courant d’associé auxquels il avait procédé pour combler les pertes de la SCI. Cette majoration venait abaisser le montant de la plus-value, minorant de fait son imposition.
Or, cette SCI (société de personnes) avait opté pour l’IS. Dès lors, les difficultés engendrées par le régime de la translucidité ne se posent pas puisqu’il n’y a pas de décalage entre l’imposition des revenus et leur perception effective.
Le retraitement issu de la jurisprudence QUEMENER n’est ainsi pas applicable aux plus-values mobilières des particuliers.