La protection des contribuables contre les changements de doctrine fiscale ne s’applique pas en cas de montage artificiel

Sommaire

1. Réaffirmation du principe de garantie contre les changements de doctrine

2. Limitation importante de la portée de ce principe en cas de montage artificiel

1. Réaffirmation du principe de garantie contre les changements de doctrine

L’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales protège le contribuable contre les changements d’interprétation des textes fiscaux par l’Administration. Ainsi, en cas de litige avec les services fiscaux, le contribuable peut légitimement se prévaloir de l’interprétation de la Loi fiscale qui a été admise par l’Administration, dite “doctrine administrative”, par exemple dans des circulaires, des instructions ministérielles ou dans le Bulletin officiel des finances publiques - impôts.

Cet article est à lire en parallèle à l'article L. 64 du même Livre, qui permet à l’Administration fiscale de remettre en cause une opération en cas d’abus de droit.

Statuant en Assemblée du contentieux, sa formation de jugement la plus solennelle, le Conseil d’Etat réaffirme tout d’abord le principe selon lequel l’Administration ne peut faire échec à la garantie prévue par l’article L. 80 A du LPF et redresser un contribuable en se fondant sur ce que celui-ci, même s’il a strictement appliqué une doctrine administrative, en a outrepassé la portée (Avis CE Ass. 08-40-1998 n°192539).

A cet égard, le Conseil d’Etat précise que le terme “décisions” figurant au sein de l’article L. 64 du LPF ne peut être interprété comme faisant référence aux instructions et circulaires de l’Administration fiscale.

2. Limitation importante de la portée de ce principe en cas de montage artificiel

La portée de ce principe se trouve néanmoins réduite en cas de montage artificiel. En effet, le Conseil d’Etat juge que l’Administration peut mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit et ainsi faire échec au principe de garantie si elle réussit à démontrer, de manière objective, que la situation du contribuable relève d’un montage artificiel, c’est-à-dire dénué de toute substance et ayant pour but exclusif d'échapper à l’impôt.

L’article L. 80 A du LPF ne s’applique donc pas en présence d’actes constitutifs d’un abus de droit, et notamment, des actes caractérisant une fraude à la loi, parmi lesquels se trouvent les montages artificiels. L’Administration peut ainsi sanctionner ce type de montage sans que la garantie contre les changements de doctrine ne puisse lui être opposée.

CE Ass. 28-10-2020, n°428048

Publié par Libert Avocats